Jean-Bertrand Aristide, paviste du chaos haïtien.

De l’illusion populiste à l’effondrement de l’État

Par Antoine Bonhomme

Jean-Bertrand Aristide n’a jamais été un homme d’État. Il a été un faiseur de slogans, un manipulateur sans vision, un populiste qui a pavé la route du chaos haïtien.

Il se disait prêtre des pauvres. Il promettait de renverser le système, de faire justice, de rendre le pouvoir au peuple. Mais plus de trente ans après sa première élection, Aristide apparaît comme l’un des principaux pavistes du désastre national : non pas un architecte d’avenir, mais un homme qui, pierre par pierre, a préparé la route de la faillite.

Son mouvement Lavalas, né dans l’élan populaire de la chute des Duvalier, n’a jamais su formuler un projet clair de société. Mélange d’anciens duvaliéristes, de militants sincères, d’arrivistes notoires, de militaires recyclés et d’intellectuels déçus, (yon bann gran manjè) Lavalas fut un instrument de pouvoir au service d’un seul homme , jamais une force de refondation.

Dissoudre l’armée : une casse irresponsable.

Parmi les décisions les plus lourdes de conséquences figure la dissolution de l’armée haïtienne en 1995. Présentée comme une victoire populaire, elle fut en réalité un acte irréfléchi, sans réforme structurelle, sans substitution institutionnelle. Des milliers d’hommes armés, frustrés, livrés à eux-mêmes, allaient se retrouver sans encadrement, prêts à vendre leurs compétences au plus offrant : gangs, politiciens véreux ou puissances étrangères.
Ce vide sécuritaire, jamais comblé.

Les Chimères : la terreur au nom du peuple

Mais Aristide ne voulait pas d’une armée républicaine. Il voulait des fidèles. Il voulait des milices. Les Chimères, véritables escadrons de la peur à son service, ont réprimé les voix dissidentes, quadrillé les quartiers populaires, semé la terreur au nom d’un président soi-disant “du peuple”. (JPP) Janl Pase l Pase. Et voilà

En remplaçant les institutions par des réseaux de loyauté violente, Aristide a injecté dans la culture politique haïtienne un poison dont le pays ne s’est jamais remis : celui du pouvoir sans règles, de la violence comme langage politique, du chef comme totem.
(JPP ) Janl Pase l Pase.

Un populisme sans vision, sans projet

Dans les discours d’Aristide, le mot “peuple” remplaçait toute stratégie. Il n’y avait ni plan de réforme agraire, ni politique industrielle, ni projet d’éducation à long terme. L’État était un butin à distribuer, Lavalas une cour à gérer, et le pays un théâtre pour ses déclarations enflammées.

Aristide n’a jamais eu en tête de construire un État fort à travers des institutions solides. Son autorité reposait sur le culte de sa personne et la fidélité des réseaux clientélistes. Il a affaibli les contre-pouvoirs, personnalisé la fonction présidentielle, et promu des hommes de main plutôt que des hommes d’État. Résultat : une démocratie vide, une gouvernance clanique, un État creux.

La folie du “tout ou rien” : le deuxième mandat

Lors de son second mandat, Aristide a poussé l’hybris politique à son comble. Il voulait tout : la totalité des sièges au Sénat, la majorité écrasante à la Chambre, un contrôle absolu sur les institutions. Ce fut une fuite en avant autoritaire. Et ce fut sa perte.

Contesté sur la scène nationale et isolé à l’international, il a tout perdu. Il a quitté un pays ravagé, divisé, au bord de la guerre civile , une situation de « rat pa kaka » où aucune autorité n’était plus respectée, où plus rien ne tenait debout.

Une descente aux enfers programmée

Deux fois élu, deux fois chassé du pouvoir, Aristide n’a pas consolidé la démocratie haïtienne. Il l’a usée. Il l’a rendue suspecte. Il a habitué le peuple à confondre charisme et compétence, slogan et solution, vengeance et justice.

Ce chaos que nous vivons aujourd’hui ,ce désordre sécuritaire, institutionnel, moral, ce vide politique et cette haine circulante ,n’est pas un accident. C’est le produit d’un long processus. Et ce processus, Jean-Bertrand Aristide en fut l’un des principaux pavistes.

Aristide n’a pas trahi le peuple par corruption personnelle ou exil doré. Il l’a trahi en vidant la politique de son sens, en sapant les institutions Il aurait pu refonder l’État. Il a préféré gouverner sans l’État. Il aurait pu construire. Il a préféré séduire, diviser, désarmer, manipuler.

À ceux qui cherchent les racines du mal haïtien, il faut dire la vérité : le chaos n’a pas jailli spontanément. Il a été pavé. Et Jean-Bertrand Aristide en reste, sans conteste, le paviste en chef.

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