Assassiné en plein pouvoir, qui était vraiment Jovenel Moïse ? Un président-bricoleur.

Quatre ans après son assassinat, Haïti s’enfonce encore dans le chaos.

Il voulait tout réparer lui-même, sans plan d’ensemble, sans appareil d’État, avec une foi aveugle dans ses propres mains. Mais on ne gouverne pas un pays en ruine comme on rafistole une toiture. Quatre ans après son assassinat, Haïti s’enfonce encore… et le bricolage continue, sans lui ,en pire.

Jovenel Moïse a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021.
Quatre ans plus tard, ses meurtriers n’ont toujours pas été jugés.
Mais son procès populaire, lui, continue.
Était-il un despote maladroit, un populiste hasardeux, ou un visionnaire incompris ?
Une chose est certaine : Jovenel Moïse n’était pas un homme d’État au sens classique.
C’était un président-bricoleur.
Un entrepreneur propulsé à la tête d’un pays en ruine,
qui croyait pouvoir tout réparer à la force du poignet,
sans institutions solides, sans fondation républicaine,
mais avec de la volonté, de l’intuition… et beaucoup d’illusions.

Il connaissait Haïti comme sa poche.
Il l’avait parcourue de long en large avec ses « caravanes du changement »,
posant quelques mètres d’asphalte ici,
bouchant des trous de rats là,
comme un plombier pressé dans une maison fissurée.

Peut-être que le pays avait besoin d’un bon mécanicien,
mais il a eu droit à un bricoleur du dimanche.
Face à une nation déstructurée,
il a voulu tout faire à la fois :
• Courant électrique 24h/24
• Réforme agraire
• Réforme judiciaire
• Réforme éducative
• Dialogue avec les gangs
• Changement de Constitution
• Infrastructures, routes, hôpitaux…
Mais sans vision d’ensemble, sans priorité, sans outil d’État.

En Haïti, on dit souvent :

“Dégoûter vaut mieux que ne pas pisser du tout.”
Avec Jovenel, on a dégoûté partout.
Un petit projet lancé ici,
une école sans professeur là,
un Conseil électoral provisoire bricolé,
une police livrée à elle-même,
un pouvoir judiciaire à genoux.
Même sa sécurité personnelle était un bricolage fatal.
Il faisait confiance à tout le monde,
et ce “tout le monde” l’a trahi au petit matin.

Même dans sa vie privée, avec la mère de ses enfants,
leur relation ressemblait à sa manière de gouverner :
instable, rafistolée, bricolée… précaire.

Il voulait « négocier » avec les gangs,
non pas pour désarmer durablement le pays,
mais pour tenter une paix fragile, clientéliste, bricolée.
Il rêvait de les fédérer, de parler avec eux,
comme s’il suffisait de créer un syndicat du crime,
au lieu de construire un État fort.

Résultat :
Les gangs n’ont jamais été aussi puissants qu’aujourd’hui.
Quatre ans après sa mort,
Haïti vit sous l’emprise d’une violence qu’il n’a pas su enrayer —
et que ses successeurs ont laissée exploser.

Ses opposants disaient :

“Sans Jovenel, le pays va respirer.”
Mais le chaos a simplement changé de visage.
Le désordre a continué, les institutions se sont effondrées,
et neuf présidents invisibles se battent pour une légitimité introuvable.
Le bricolage est devenu chronique,
mais sans lui, c’est pire.

Car Jovenel Moïse n’a pas été tué pour ce qu’il était,
mais pour ce qu’il n’était pas :
un stratège, un homme de clan, un verrouilleur du système.
Il a cru qu’en retapant un mur,
on pouvait sauver une maison sans fondation.
Mais en politique, les clous rouillés ne tiennent pas une République qui s’écroule.

Aujourd’hui, ceux qui l’ont combattu n’ont rien construit.
Et ceux qui l’ont trahi, eux, continuent de bricoler l’avenir,
avec la même logique de fortune,
la même impunité,
le même cynisme.

Haïti n’a pas besoin d’un bricoleur de plus.
Elle a besoin d’un architecte.

Antoine Bonhomme

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